Tamino : spleen oriental et ténébreuse beauté

Jeudi 7 mars le Rocher de Palmer accueille un artiste perché quelque part entre des légèretés célestes et des profondeurs obscures. L’occasion de revenir sur cet enchanteur aux couleurs venues d’orient. Une rencontre d’un autre type à ne surtout pas manquer.

Venu d’Anvers, ce jeune artiste aux origines égyptiennes s’impose déjà comme un prince du soft rock à la voix envoutante. Et pour cause, dès sa naissance son destin semblait être tracé. Tamino-Amir Moharam Fouad doit son nom au personnage de Tamino, prince oriental, musicien et magicien dans La Flûte enchantée de Mozart. Prophétie autoréalisatrice ? Nous pourrions presque y croire tant ses titres détiennent une sorte de pouvoir mystérieux, empreints de noirceurs et d’une mélancolie qu’il porte en permanence dans son regard. A seulement 21 ans,  il réussit à atteindre le sublime. Une beauté mêlée de tristesse au service de son univers intime, poétique, dépouillé de tout artifice.

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crédit photo : ramy moharam fouad

 

Tamino avait déjà charmé le public avec son EP Habibi en 2017. Il attendra la douceur de l’automne 2018 pour sortir son album Amir avec lequel il part en tournée, il se produira notamment à Bordeaux le 7 mars au Rocher de Palmer. Au coeur d’un paysage onirique, c’est accompagné de sa guitare électrique et de sa voix profonde et dense souvent associée à Jeff Buckley ou Léonard Cohen, qu’il réussit à nous hypnotiser. Il s’accompagne seulement d’un pianiste et d’un batteur, il faut dire qu’il n’a pas besoin de plus.

 

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crédit photo : ramy moharam fouad

Son potentiel avait déjà été remarqué avec son titre Habibi, une troublante plainte élégiaque, ode au sentiment amoureux et ses tourments. Il oscille entre des aigus étourdissant aux variations orientales et des lamentations transperçantes, à l’image de son vague à l’âme nébuleux. Une véritable prouesse. Son énigmatique pouvoir se retrouve dans Indigo Night, une valse mélodieuse et tragique. Cigar au clip surréaliste (réalisé avec son frère à 17 ans) et au détachement qui n’est pas sans rappeler le groupe belge Balthazar, plus rythmé semble s’éloigner de cette abysse dans lequel il nous oblige à sombrer. « Death suits you dear sir, like a beautiful coat but without all the fur ».  Un compliment funeste qui nous fait replonger immédiatement dans les profondeurs les plus sombres. Cet esprit torturé transforme en or tout ce qu’il touche, y compris lui-même dans le clip de Tummy dans lequel il s’exhibe en dieu Egyptien orné d’une peau d’or qu’il ne peut retirer. A prendre métaphoriquement ? Il aura en tout cas du mal à se défaire du succès qu’il le suit dans ce qu’il produit majestueusement. Jusqu’à la reprise live du titre des Arctic Monkeys I bet that you look on the dancefloor auquel il ajoute son pastel magnétique, presque douloureux. Tamino aime la musique quand elle l’anime et le hante. Une once de tristesse en plus, et il devient ensorceleur.

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photo tournage Tummy : https://www.instagram.com/p/BnlMINVhhgR/

Ce joueur de flute aux ailes enfumées est bercé dans la musique depuis petit. Avec un père chanteur, une mère musicienne, un grand père un artiste égyptien de renom, difficile d’y échapper. Très tôt il apprend le piano, il monte sur scène pour la première fois à 14 ans et part à 17 ans à Amsterdam pour étudier au conservatoire. Un talent au large spectre éclot rapidement. De formation classique, influencé par son héritage orientale et profondément fier de sa nationalité Belge, son panel musical est extrêmement riche. De Rachmaninov à Serge Gainsbourg en passant par Tom Waits, cette diversité se retrouve dans ses morceaux qui atteignent les hauteurs. Tamino incarne la diversité culturelle dans ce qu’elle a de plus poétique.

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crédit photo : https://www.instagram.com/p/BpHPHYWByLc/

Au delà de sa technique impressionnante, sa capacité à nous troubler profondément et à nous emporter avec lui dans cette mélancolie céleste est saisissante. Se laisser porter par Amir est une expérience artistique, fusion de transcendance et d’abîme.

 

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